A Dijon, un collectif d'artistes lit ce texte avant chaque représentation.
Grande envie de le partager avec vous :
CHER PUBLIC,
Depuis deux mois, notre pays connaît plusieurs mouvements sociaux d'envergure.
Et beaucoup d'entre nous – artistes, techniciens, administratifs – ont été, au cours de ces deux mois, grévistes ou manifestants, ou se sont déplacés, la nuit, sur les places des villes pour voir, pour écouter, pour participer. Pour se mettre debout.
Ces mouvements, qu'ils soient nés dans les lycées, les universités, les entreprises, les syndicats ou les coordinations d'intermittents, qu'ils se soient déployés dans les rues, dans les amphithéâtres, dans les lieux de spectacle ou les espaces publics, ont tous au cœur la même question brûlante : celle du travail, et de sa
place dans notre société.
La destinée du travail nous concerne tous. Elle mérite mieux qu'un débat sommaire, refermé avant même d'avoir été ouvert, à coups d'artifices constitutionnels ou de gaz lacrymogènes.
Nous ne pouvons plus nous satisfaire de l'éternelle vieille recette, usée jusqu'à la trame depuis des décennies, qui consiste toujours à renforcer les forts et à affaiblir les faibles, au nom d'une improbable inversion de tendance ou d'un hypothétique « retour de la croissance ». Nous refusons d'appeler « progrès » la dégradation
continue des protections dues aux plus fragiles, et l'extension sans bornes des logiques lucratives.
Nous pouvons travailler autrement. Nous pouvons travailler mieux. Nous pouvons travailler moins pour pouvoir travailler tous. Nous pouvons, surtout, travailler pour d'autres objectifs que ceux de la survie, de l'enrichissement personnel, de l'accumulation sans fin ou de la consommation effrénée.
Le bruit du monde ne s'arrête pas aux portes des théâtres. Il est la matière même de nos spectacles, l'inspiration de nos travaux. C'est pourquoi, dans ce moment de tension et de fragilité, d'espoir et de colère, nous voulons dire notre solidarité avec tous ceux qui se battent pour redonner du sens à nos existences.
Comme eux, comme beaucoup de gens dans notre pays, nous voulons esquisser les contours d'un monde habitable, et non pas simplement d'un monde rentable.